Blé, communisme et puces : La fusion Red Star-Toulouse FC.

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Le football de la fin des années 60 n’est pas la période la plus connue de l’histoire du ballon rond. Pourtant cette époque marque les œuvres de Georges Best qui sublime le championnat anglais ou celle de Pelé qui au Brésil écrit sa légende.

Blé, communisme et puces : L'improbable fusion Red Star-Toulouse FC.

Jean Baptiste Doumeng Crédits : ROLAND GODEFROY 

Les clubs parisiens

En France, la situation est moins idyllique. Si Saint-Etienne commence sa période faste, de nombreux clubs sont en difficulté financière notamment en région parisienne. A cette époque, le PSG n’existe pas, deux équipes évoluent dans les premières divisions françaises : le Stade de Paris et le Red Star. Le Stade de Paris (ou Stade Français) est dissous fin 1967. Le Monde s’écrie dans son édition du 1er décembre 1967 : « Paris n’a donc plus, pour la première fois depuis la création du football professionnel (1932), de représentant dans le championnat ». Loin de la situation actuelle.

Le Red Star

La deuxième équipe francilienne, le Red Star est une institution du foot français. Fondé à la fin du XIXème siècle, le club compte parmi ses créateurs la famille Rimet. Un de ses membres, Jules, a créé la Coupe du Monde de football et a été président de la FIFA pendant près de trente ans. Le Red Star est basé à Saint-Ouen, commune connue pour ses célèbres puces. Mais en cette fin de décennie 60, le club francilien est dans une situation critique : sportivement, l’équipe se bat souvent pour sa survie. Financièrement, la situation n’est guère plus brillante, comme beaucoup d’autres équipes, le Red Star dépend des subventions municipales. A cette époque, les droits TV sont extrêmement faibles et les transferts ne rapportent quasiment rien. Un temps, il est envisagé de fusionner le Red Star avec le Stade de Paris en 1965 mais ce projet échoue.

Jean-Baptiste Doumeng et le Toulouse FC

A l’autre bout de la France, un club se retrouve en difficulté mais pour d’autres raisons : le Toulouse Football Club. Le club possède une relative sécurité financière grâce à l’un de ses dirigeants, Jean-Baptiste Doumeng. Ce dernier est un personnage haut en couleur. Il a fait fortune dans l’agriculture et est devenu très riche tout en étant membre du parti communiste français.

La rumeur veut qu’il soit d’ailleurs un de ses principaux donateurs du parti dans les années 60 à 80. Pourtant, il est difficile de le prouver. Après le négoce alimentaire, il étend son empire dans d’autres sphères du commerce international. Il est l’un des principaux liens commerciaux entre la France et le Bloc communiste à une époque où la guerre froide sévit. Dans ses affaires, il s’associe parfois avec le groupe Louis Dreyfus, dont le nom est connu des amoureux de l’OM. Sa position lui assure de connaître des figures « rouges » internationales comme Fidel Castro ou Mikhail Gorbatchev. Grande gueule, il se bat pour ses idées. La personnalité ambiguë de cet homme d’affaires lui vaut le surnom de « milliardaire rouge ».

L’aide municipale qui n’est jamais arrivée

Arrivé aux affaires au TFC en 1961, Doumeng se fait remarquer dans les années suivantes. Il s’oppose au maire de la ville rose, le socialiste Louis Bazerque. En 1967, le milliardaire rouge demande une subvention à la commune en prétextant que « Je suis moi-même contre les subventions municipales, mais j’en demandais une ici parce que j’estime que le football professionnel fait partie du patrimoine de la ville » comme le relève le Monde dans son édition du 26 avril 1967. Le conseil municipal refuse de verser le moindre franc en argumentant par la voix du député Delpech que « Le football professionnel, qu’il reçoive ou non une aide municipale, n’est pas viable dans sa forme actuelle. A lui de se réformer » toujours selon l’article du Monde. Doumeng a fait auparavant campagne dans la presse en expliquant que le TFC accumulait des déficits depuis quelques années.

Naissance du Red-Star FC

Doumeng prend acte du refus de la mairie toulousaine pour se rapprocher du Red Star. Le club est alors dirigé depuis les années 50 par Gilbert Zenatti, un homme d’affaires officiellement spécialisé dans le textile. Il possède différents magasins dans la capitale. Le grand public le découvre en 1966 lorsque sa voiture est plastiquée. Il est en réalité mêlé à différentes affaires délictuelles voire criminelles. Son nom est associé notamment à des affaires de jeux. Doumeng et Zenatti se connaissent. Par quel biais ? Les sources disponibles ne l’apprennent pas mais ces deux-là s’entendent en affaires. Soutenue par la municipalité de Saint-Ouen, qui verse une subvention de deux cent mille francs, les deux hommes d’affaires se mettent d’accord. Ainsi naît le Red-Star FC. Pour ce surprenant mariage, Toulouse amène sa place en première division, une partie du staff et des joueurs. Le Red Star met dans la dot ses infrastructures.

Red Star-Toulouse FC

Red Star FC Crédits : nc

Cette surprenante union ne dure pas longtemps : le club est relégué à l’issue de la saison 1972-1973 après une décevante dixième-neuvième place. Zenatti et Doumeng se retirent. Le dépôt de bilan est acté en 1978.

Une fin inéluctable

A Toulouse, le football ne disparaît pas longtemps. Dès 1970, la ville voit la naissance de l’Union Sportive de Toulouse (UST). En 1979, l’UST reprend l’identité du TFC et devient l’équipe actuelle de la ville rose. A Saint-Ouen, le Red Star met bien plus de temps à se remettre de ce dépôt de bilan, le club ne se stabilise réellement qu’au cours des années 1980. Il est aujourd’hui en deuxième division.   

Union symbolique des dérives d’un football français en quête de modèle, la fusion Red-Star-Toulouse FC n’est cependant pas unique. Dans les mêmes années, le club de Sedan-Torcy  fusionne un temps avec le Racing Club de Paris. Ces rassemblements deviennent cependant très encadrées en 1983 après une intervention des instances du foot français.

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