Carlos Kaiser : Une carrière inventée de toutes pièces

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Carlos Henrique Raposo, surnommé « Kaiser », a écrit l’une des histoires les plus folles du football.

Carlos Kaiser : Une carrière inventée de toutes pièces

Pendant plus de vingt ans, il a fait croire à tout le monde qu’il était un attaquant professionnel, alors qu’il n’a quasiment jamais disputé un seul match officiel. Une légende bâtie sur le mensonge, l’audace et un incroyable sens de la mise en scène.

Une carrière inventée de toutes pièces

Tout commence à la fin des années 1970. Carlos Kaiser, alors adolescent, parvient à convaincre les recruteurs de Botafogo et Flamengo grâce à un physique solide et une attitude de joueur sûr de lui. Très vite, il signe son premier contrat au FC Puebla au Mexique. Mais il ne joue pas. Pire encore, il comprend qu’il peut bâtir une carrière entière sans avoir besoin de fouler les terrains. Son plan est lancé : devenir footballeur… sans jamais jouer au football.

L’art de la blessure fictive

La première arme de Kaiser est simple : se déclarer blessé. À chaque entraînement, il se tient la cuisse, grimace, et file à l’infirmerie. À l’époque, les clubs n’ont ni IRM ni outils sophistiqués pour détecter la supercherie. Kaiser s’invente des douleurs musculaires interminables. Il convainc même certains coéquipiers de lui donner de légers coups à l’entraînement pour rendre ses blessures crédibles. Quand cela ne suffit pas, il sort de faux certificats fournis par un ami dentiste.

Le bluff du téléphone portable

Dans les années 1980, posséder un téléphone portable est un luxe incroyable. Kaiser en achète un jouet factice, énorme, qu’il exhibe fièrement aux entraînements. Il simule des conversations en anglais, affirmant négocier avec des clubs européens. Ses coéquipiers, impressionnés, y croient. L’image du joueur recherché et convoité par l’Europe renforce sa légende. Personne n’ose douter de lui.

Les stars comme alliées

Autre force de Kaiser : son réseau. À Rio, il se lie d’amitié avec les stars de l’époque. Romário, Bebeto, Renato Gaúcho, Zico. Dans les bars et boîtes de nuit, Kaiser devient l’homme à connaître. Toujours capable d’organiser une fête, de fournir des contacts, de faire briller son entourage. Grâce à ce carnet d’adresses doré, il parvient à signer dans les plus grands clubs du pays. Son charisme compense largement l’absence de talent balle au pied.

Un détour par la France

En 1986, Kaiser affirme rejoindre le Gazélec Ajaccio. Présenté au public, il panique. S’il touche le ballon, son mensonge risque d’éclater. Alors, il choisit une mise en scène théâtrale. Il balance tous les ballons dans les tribunes et embrasse l’écusson du club. Les supporters adorent, le prennent en héros. Mais la vérité, c’est qu’il n’a probablement jamais joué une seule minute officielle sous les couleurs corses.

Les clubs traversés sans laisser de traces

Au fil des années, Kaiser multiplie les contrats. Botafogo, Flamengo, Fluminense, Vasco da Gama, Talleres en Argentine, El Paso Patriots aux États-Unis. Partout, le même scénario : une signature, quelques semaines à l’infirmerie, puis un départ discret. Les présidents le recrutent, les coéquipiers l’apprécient, et il s’en va avant que la vérité ne soit découverte.

L’incident de Bangu : le jour où tout a failli s’effondrer

Mais parfois, l’arnaque tourne mal. À Bangu, le président Castor de Andrade, parrain de la mafia brésilienne, exige que Kaiser entre en jeu. Pris de panique, l’attaquant trouve une solution folle : il déclenche une bagarre avec un supporter, se fait expulser avant même de fouler la pelouse. Résultat : il échappe encore une fois au piège. Pire, son discours dans le vestiaire, où il affirme avoir défendu « l’honneur de son président », émeut Castor. Le contrat est prolongé.

L’incident de Bangu : le jour où tout a failli s’effondrer

Un palmarès… vide

Après plus de dix ans de carrière, le constat est unique. Kaiser affiche une trentaine de matchs joués… sans aucun but marqué. Il est resté l’attaquant invisible, le joueur qui n’a jamais osé affronter le ballon rond. Mais son audace, sa ruse et sa capacité à manipuler les dirigeants en font une légende du football brésilien.

Une légende immortalisée par un film

L’histoire de Carlos Kaiser est tellement incroyable qu’elle a fini sur grand écran. En 2018, le documentaire « Kaiser! » réalisé par Louis Myles sort au Festival de Tribeca. Zico, Bebeto ou encore Renato Gaúcho y témoignent. Le film raconte la vie d’un homme qui a incarné à lui seul l’art brésilien de la débrouillardise, la « malandragem ». Aujourd’hui encore, son nom circule comme celui du plus grand escroc du football.

Le charme de l’imposture

Ce qui fascine dans le parcours de Carlos Kaiser, ce n’est pas seulement l’arnaque. C’est la manière dont il a transformé un mensonge en carrière. Sa personnalité, son réseau et son sens du spectacle ont suffi à lui ouvrir les portes des plus grands clubs. Alors que des milliers de jeunes brésiliens rêvaient de signer un contrat professionnel, Kaiser a trouvé un raccourci. Sans talent, mais avec une imagination sans limites.

Carlos Kaiser restera à jamais l’incroyable imposteur du football, un personnage hors norme qui prouve qu’avec du culot et du charisme, tout est possible. Et ce n’est pas tout : le football regorge d’autres histoires folles qui méritent d’être racontées.

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