Just Fontaine : 13 buts en Coupe du monde avec les chaussures d’un coéquipier

Temps de lecture : 5 minutes.

Un record gravé dans le cuir d’une autre paire

L’histoire du football se tisse souvent de petits hasards devenus légendes. En 1958, Just Fontaine inscrit 13 buts en Coupe du monde. Un record inégalé, accompli dans les chaussures… d’un autre. Ce détail, presque anecdotique, symbolise la simplicité d’une époque où le talent primait sur les artifices.

Just Fontaine : 13 buts en Coupe du monde avec les chaussures d’un coéquipier

Le Maroc, Nice, Reims : le chemin d’un buteur né

Né à Marrakech en 1933, Just Fontaine grandit dans un football de passion, loin des projecteurs. Il débute à l’US Marocaine de Casablanca, puis rejoint la métropole, direction l’OGC Nice. Très vite, son instinct de buteur saute aux yeux. Fontaine n’a pas besoin de cent occasions pour en mettre une au fond. En 1956, il rejoint le Stade de Reims, géant du foot français, et s’y impose comme une machine à buts. Trois titres de champion de France, une Coupe de France, et une finale européenne perdue contre le Real Madrid en 1959. En championnat, il empile les chiffres : 164 buts en 200 matchs. Avec les Bleus, c’est un festival : 30 buts en 21 sélections, un ratio hallucinant qui résume son efficacité clinique. À une époque où le foot se jouait sans calculs, Fontaine marquait sans réfléchir. Instinct pur, geste juste.

1958, la France débarque en Suède sans prétention

La Coupe du monde 1958 n’annonce rien de grand pour la France. Raymond Kopa, Roger Piantoni et Fontaine forment pourtant une attaque redoutable. Mais à l’origine, Just n’est même pas prévu dans le onze. Il remplace Thadée Cisowski, blessé avant le départ. L’histoire s’écrit parfois sur un coup du sort. Dès le premier match, il claque un triplé contre le Paraguay (7-3). Puis il continue son numéro contre la Yougoslavie, l’Écosse et l’Irlande du Nord. En demi-finale, malgré un doublé, les Bleus s’inclinent 5-2 face au Brésil de Pelé. Fontaine n’a pas dit son dernier mot. Lors du match pour la troisième place, il inscrit quatre buts contre l’Allemagne de l’Ouest. Treize réalisations en six rencontres. Du jamais vu. Du jamais refait. Le tout avec des crampons empruntés. Oui, empruntés.

Just Fontaine : 13 buts en

Des chaussures prêtées, une légende chaussée

Ce que peu de gens savent, c’est que l’exploit de Fontaine repose sur un imprévu. Lors du dernier entraînement avant le tournoi, ses chaussures se déchirent. Pas de contrat équipementier, pas de paire de rechange dernier cri. À l’époque, les Bleus portent ce qu’on leur donne. Fontaine se tourne alors vers Stéphane Bruey, attaquant remplaçant et ancien Lyonnais, qui a la même pointure. Bruey lui prête ses crampons. Et Just les garde. Toute la compétition. Il refuse de passer à des modèles neufs fournis ensuite par Adidas et Puma. « Je ne voulais pas casser les neuves », racontera-t-il plus tard, sourire en coin. Il dispute donc six matchs avec les chaussures d’un autre. Et claque treize buts. À la fin du tournoi, il les rend à Bruey. « Elles ont sûrement fini à la poubelle », plaisantait-il. Une paire de cuir cloué, trempée par la pluie suédoise, alourdie par la gloire.

Le cuir, la sueur et le talent

Ces crampons-là racontent un autre football. Le cuir dur, la semelle en bois, les clous martelés à la main. Des chaussures lourdes, près de 800 grammes la paire. Pas d’amorti, pas de sponsor, pas de technologie. Il fallait les assouplir à l’entraînement, les « casser » avant les matchs. Fontaine refuse d’en changer, craignant de perdre ses sensations. Et il avait raison. Ses treize buts naissent d’une aisance incroyable, d’un instinct animal dans la surface. Il savait où le ballon tomberait, avant même que le défenseur ne bouge. Son secret n’était pas dans la chaussure, mais dans la tête. « Ce ne sont pas les chaussures qui marquent, c’est celui qui les porte », disait-il. Une phrase devenue symbole d’une époque simple, sincère, brute.

Le sommet et l’héritage d’un record

À Stockholm, Fontaine entre dans la légende. Son triplé inaugural, son doublé contre le Brésil, son quadruplé final. Tout y est. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : treize buts en six matchs, un record encore inégalé après près de soixante-dix ans. Ni Gerd Müller, ni Ronaldo, ni Miroslav Klose n’ont réussi pareille prouesse en une seule édition. Il aura fallu trois Coupes du monde à Klose pour atteindre seize buts au total. Fontaine, lui, n’aura eu besoin que d’un seul tournoi. Et d’une seule paire empruntée. En 2014, la FIFA lui remet un Soulier d’or honorifique, des mains de Ronaldo et Michel Platini. Pelé l’inclut parmi les 125 meilleurs joueurs vivants en 2004. Son nom reste gravé dans la mémoire collective du football français. Le gamin de Marrakech, le buteur de Reims, l’homme aux crampons prêtés.

Just Fontaine : une trace dans l’histoire du football français

Fontaine n’a jamais eu le ballon d’or. Troisième en 1958, derrière Kopa et Rahn, il n’en a jamais fait une obsession. Ce qu’il voulait, c’était jouer, marquer, vivre le foot à pleine intensité. Sa carrière fut courte, freinée par une blessure en 1960, mais son empreinte est éternelle. Sa simplicité, sa lucidité, sa modestie inspirent encore aujourd’hui. Dans un football devenu marché, Fontaine incarne une authenticité rare. Celle d’un sport où la magie pouvait naître d’une paire de chaussures prêtes à l’entraînement. Celle d’un homme qui rappelait que le talent ne s’achète pas.

Just Fontaine

De Bruey à Mbappé : les héritiers du buteur français

Fontaine aura ouvert la voie à une lignée de buteurs français : Papin, Henry, Benzema, Mbappé. Tous lui doivent quelque chose. L’instinct, le geste juste, le sens du but. Mais aucun n’a égalé ce record suédois. Treize buts, six matchs, un mythe. Just Fontaine reste cette icône qui, avec des crampons d’un autre, a redonné au football français son éclat. Et si son exploit inspire encore, c’est qu’il parle à tous ceux qui croient que la passion vaut plus que la technologie.

Un héritage à raconter encore et encore

Aujourd’hui, chaque génération redécouvre son histoire, son sourire, sa phrase simple : « Ce ne sont pas les chaussures qui marquent, mais celui qui les porte. » Et ce n’est pas tout. Car derrière Just Fontaine, c’est tout un pan du football français qui mérite d’être revisité, celui des pionniers, des Reims flamboyants et des héros oubliés.

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