Medhi Benatia OM : Ancien défenseur international devenu dirigeant marseillais, Medhi Benatia incarne un destin à part dans le football. De son renvoi de Clairefontaine à son ascension à l’OM, il a bâti un parcours hors normes. Aujourd’hui, il symbolise la transformation d’un joueur marginalisé en stratège respecté du football français.
Medhi Benatia Crédits : Антон Зайцев
Des débuts contrariés à Clairefontaine
Né le 17 avril 1987 à Courcouronnes, Medhi Benatia grandit entre la rigueur de son père marocain et la bienveillance de sa mère algérienne. Très jeune, il intègre Clairefontaine, temple du football français, avant d’en être expulsé à 15 ans pour des problèmes scolaires et comportementaux. « On m’a dit que je ne deviendrais jamais pro », confiera-t-il plus tard. Ce rejet deviendra le moteur d’une revanche longue de deux décennies.
Passé par Guingamp puis l’Olympique de Marseille entre 2003 et 2006, il ne jouera jamais avec l’équipe première. José Anigo, alors directeur technique, ne croit pas en lui. Malgré une épidémie de blessés, le jeune défenseur reste cantonné à la réserve. « Il manquait sept ou huit joueurs, mais je n’ai pas eu ma chance », racontera-t-il. L’OM, qui l’avait formé, ne mesurait pas encore ce qu’il allait devenir.
La renaissance en Ligue 2
C’est à Clermont-Ferrand que Benatia relance sa carrière. Après des passages compliqués à Tours et Lorient, il trouve enfin de la stabilité. En Ligue 2, il dispute 62 matchs en deux saisons, marquant 3 buts. Son profil attire l’œil des recruteurs italiens. En 2010, il rejoint l’Udinese, où son talent explose.
L’éclosion italienne : l’apprentissage de la rigueur
En Serie A, Medhi Benatia s’impose comme l’un des meilleurs défenseurs du championnat. Lors de ses trois saisons à l’Udinese, il dispute 97 matchs et inscrit 7 buts. En 2013, il signe à l’AS Rome sous les ordres de Rudi Garcia. Sa saison 2013-2014 est magistrale : 33 matchs, 5 buts, un leadership naturel. Il est élu meilleur défenseur de Serie A et devient un pilier de la défense romaine. Son sens du placement, sa lecture du jeu et sa puissance en font un modèle de régularité.
Walter Sabatini, directeur sportif de la Roma, ira jusqu’à dire : « Le mauvais pied de Benatia vaut 30 millions d’euros ». Et ce n’était pas une exagération : le Bayern Munich déboursera cette somme à l’été 2014 pour le recruter.
Bayern Munich et Juventus : l’apogée européenne
Au Bayern, Benatia atteint le sommet du football européen. Il devient le défenseur maghrébin le plus cher de l’histoire et remporte deux titres de champion d’Allemagne (2015, 2016). Son adaptation n’est pas simple : les blessures le freinent, mais sa rigueur séduit Pep Guardiola.
En 2016, il rejoint la Juventus Turin. À 29 ans, il atteint la pleine maturité. Trois titres de Serie A, deux Coupes d’Italie et une Supercoupe viennent enrichir son palmarès. Son doublé en finale de Coupe d’Italie 2018 face au Milan AC reste gravé dans les mémoires. Il devient capitaine du Maroc, disputant la Coupe du monde 2018 en Russie. De Clairefontaine à Moscou, la boucle semble bouclée.
Pourtant, une polémique ternit son parcours : son penalty concédé face au Real Madrid en 2018 provoque l’élimination de la Juventus. Touché par les critiques, Benatia évoque alors son dégoût du « monde du football ». Une phrase révélatrice d’un homme lucide, parfois écorché, mais toujours droit.
Fin de carrière et reconversion réussie
Après la Juventus, il part au Qatar à Al-Duhail, puis en Turquie à Fatih Karagümrük. En décembre 2021, il annonce sa retraite à 34 ans. Son bilan : plus de 300 matchs professionnels, 19 buts et une dizaine de titres majeurs. Mais Benatia ne compte pas quitter le football.
À Dubaï, il fonde l’agence Klan Soccer, dédiée à l’accompagnement des joueurs. Romain Saïss, Azzedine Ounahi ou encore Enzo Millot font partie de ses clients. Une reconversion rapide et efficace, qui attire les regards du monde du football.
Mais son retour à Marseille en 2023 va changer la donne.
Medhi Benatia OM, le retour : du rejet au pouvoir
Le 30 novembre 2023, l’OM officialise l’arrivée de Medhi Benatia à l’OM comme conseiller sportif. Un symbole fort : le joueur rejeté retrouve son club formateur, cette fois pour le diriger. En janvier 2025, il devient Directeur du football, épaulant Pablo Longoria dans la politique sportive du club.
Son influence se fait sentir rapidement. Sa première grande réussite ? Le recrutement de Roberto De Zerbi à l’été 2024. « J’y suis allé au culot, j’ai pris mon téléphone et je l’ai appelé », confiera-t-il. Sous sa direction, l’OM attire des profils ambitieux : Greenwood, Højbjerg, Vermeeren, Aguerd, Paixão. Le mercato 2024 restera comme l’un des plus structurés de l’ère McCourt.
Sa méthode séduit par son authenticité : directe, humaine, exigeante. Mais attention : Benatia n’est pas un homme de compromis. Sa vision est tranchée, son tempérament bouillant.
Un dirigeant exigeant et passionné
Au centre de formation, Benatia incarne un mentor proche des jeunes. Il encourage, motive, mais sait aussi recadrer. « Entre un gamin de 17 ans et un Højbjerg, je veux voir la différence dans l’envie », dit-il. Il valorise le mérite, déteste la suffisance et réclame du courage. Sa proximité avec les jeunes est réelle, mais son exigence redoutée.
Son passage à la direction marque un tournant : il veut faire de l’OM un club cohérent, formateur et ambitieux. Il parle d’« humilité, rigueur et ambition » comme fondations du projet. Une devise qui traduit son parcours personnel.
Les polémiques : un franc-parler assumé
Mais Benatia n’a pas changé : il parle fort, parfois trop. En février 2024, il critique Jonathan Clauss publiquement sur Canal+ pour son comportement. L’UNFP dénonce des propos « honteux ». En septembre, il s’en prend à l’arbitre Benoît Bastien après OL-OM : « Commencez à nous respecter ! » Résultat : six matchs de suspension. En janvier 2025, il récidive en Coupe de France et écope de trois mois de suspension ferme.
Ses excès verbaux divisent. Certains le jugent trop impulsif, d’autres saluent son courage. Pour lui, c’est une question d’honneur. « Pourquoi je n’aurais pas le droit de défendre mon équipe ? », lance-t-il. Son franc-parler, hérité de ses années de joueur, fait de lui une figure médiatique clivante mais incontournable.
Vie privée et héritage
Père de quatre enfants, Medhi Benatia s’est longtemps partagé entre Dubaï et Marseille. Désormais installé en Provence, il s’ancre dans la vie du club. À 38 ans, il se consacre entièrement à l’OM, convaincu que son expérience européenne peut transformer la mentalité phocéenne.
Medhi Benatia à l’OM
De Clairefontaine à la Canebière, son histoire est celle d’un homme qui ne lâche jamais. Rejeté, blessé, critiqué, mais toujours debout. Son parcours est une leçon de persévérance. Et ce n’est pas tout : Benatia n’a pas dit son dernier mot. Sa prochaine mission ? Faire de Marseille un grand d’Europe à nouveau.
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