Football chinois : le plan d’État qui voulait tout structurer

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Le football chinois n’est pas le fruit d’une mode passagère ni d’un caprice économique. Il s’inscrit dans une stratégie nationale pensée au sommet de l’État. En mars 2015, Pékin a officialisé un plan global visant à transformer durablement le paysage footballistique national. Derrière ce document, une ambition politique assumée, des chiffres vertigineux et une promesse implicite faite à tout un pays.

Le football chinois devient alors bien plus qu’un sport. Il se transforme en levier de prestige, en outil d’influence et en laboratoire de politiques publiques. Pourtant, presque dix ans plus tard, le bilan interroge autant qu’il fascine. Et ce n’est pas tout.

Football chinois : le plan d’État qui voulait tout structurer

Xi Jinping

Un projet politique né d’une blessure symbolique

Le plan général de réforme et de développement du football chinois est lancé en mars 2015 par le Bureau général du Conseil d’État. L’impulsion vient directement de Xi Jinping, soutenu par le Premier ministre Li Keqiang. Le message est clair. Le football doit cesser d’être un point faible national.

La genèse du projet plonge dans une humiliation sportive durable. En 2014, Xi Jinping évoque publiquement le statut de la Chine, géant économique mais nain footballistique. Une phrase marque les esprits. La Chine ne peut accepter une telle dissonance entre puissance politique et résultats sportifs.

Une anecdote circule dans les cercles dirigeants. En 1983, un jeune cadre du parti nommé Xi Jinping assiste à Shanghai à un match perdu 5-1 contre Watford. Cette débâcle aurait laissé une trace profonde. Vraie ou embellie, l’histoire nourrit le récit officiel. Le football chinois devient un enjeu d’orgueil national.

Ce plan n’est donc pas sectoriel. Il s’inscrit dans une vision globale du rayonnement chinois. Le ballon rond est appelé à servir le soft power, au même titre que les Jeux olympiques ou les grandes routes commerciales.

Les trois rêves présidentiels comme boussole stratégique

Au cœur du dispositif, trois objectifs structurants sont formulés entre 2011 et 2014. Ils sont présentés comme des rêves présidentiels. Ils servent de fil conducteur à l’ensemble des réformes.

Le premier rêve vise une qualification à la Coupe du Monde. La Chine n’y a participé qu’une seule fois, en 2002. L’échec est devenu un symbole d’impuissance sportive. Le deuxième rêve regarde vers 2030. Il consiste à accueillir la Coupe du Monde sur le sol chinois. Le troisième rêve projette le pays vers 2050. Il ambitionne une victoire finale, idéalement avant le centenaire de la République populaire.

Ces trois horizons donnent une temporalité rare au football chinois. Peu de nations ont osé inscrire une politique sportive sur trente-cinq ans. Pourtant, cette projection révèle aussi une pression énorme sur chaque échelon du système.

Le football devient un chantier d’État, avec des jalons précis et une obligation de résultats implicite.

Une refonte totale de la gouvernance fédérale

La première rupture structurelle concerne la Chinese Football Association. Avant 2015, la CFA dépend directement de l’Administration générale des sports. Cette tutelle étatique limite son autonomie et brouille les responsabilités.

Le plan impose une séparation nette. La fédération doit fonctionner comme une entité indépendante, dotée de compétences propres et de mécanismes de contrôle modernes. Le recrutement de profils spécialisés en gestion sportive, droit et économie est encouragé. Des audits financiers externes deviennent obligatoires.

La gouvernance se veut plus inclusive. Fédérations régionales, clubs, joueurs et experts sont intégrés aux processus décisionnels. L’objectif est clair. Professionnaliser la structure pour crédibiliser le football chinois sur la scène internationale.

Mais attention. Cette indépendance reste encadrée. L’État conserve un rôle stratégique. La CFA gagne en autonomie opérationnelle, sans jamais échapper totalement à la ligne politique nationale.

Clubs professionnels et dérives financières sous surveillance

La réforme des clubs constitue un autre pilier central. Le plan entend bâtir une industrie durable, loin des pratiques opaques qui gangrenaient le système. Les relocalisations fréquentes de clubs sont découragées. L’ancrage territorial devient une priorité.

La transparence financière est placée au cœur du dispositif. Les contrats cachés, appelés Yin Yang Contracts, sont explicitement visés. Les audits deviennent réguliers. La solvabilité est contrôlée. Les clubs doivent prouver leur capacité à honorer leurs engagements.

Les joueurs étrangers sont limités par des quotas stricts. Le but est de favoriser l’émergence de talents locaux. Une taxe dissuasive est instaurée sur les transferts jugés excessifs. Toute dépense dépassant six millions d’euros peut être taxée à hauteur de cent pour cent.

Pourtant, cette régulation arrive après une phase d’explosion. Entre 2014 et 2017, les dépenses de transferts de la Chinese Super League atteignent des sommets. Le championnat grimpe jusqu’à la huitième place mondiale en volume financier. Le contraste est saisissant.

Une pyramide des compétitions redessinée

Le plan restructure l’ensemble du système compétitif. La Chinese Super League est placée au sommet d’une hiérarchie clairement définie. Divisions inférieures, compétitions régionales et football de jeunes s’articulent désormais de manière cohérente.

La lutte contre la corruption devient une priorité affichée. Matchs truqués, paris illégaux et pressions arbitrales sont ciblés par des commissions indépendantes. L’arbitrage doit retrouver une crédibilité perdue.

Un comité autonome est chargé de la régulation professionnelle. Les sanctions disciplinaires sont durcies. Les entraîneurs et joueurs sont soumis à des règles strictes de comportement. Le football chinois cherche à restaurer sa réputation interne, autant qu’externe.

Le football scolaire comme socle de masse

Le développement du football de base constitue l’axe le plus ambitieux du plan. Le Campus Football devient une politique publique transversale. Le football est progressivement intégré aux programmes scolaires.

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Les objectifs sont chiffrés avec précision. Vingt mille écoles spécialisées sont visées à l’horizon 2020. Cinquante mille établissements doivent accueillir cinquante millions d’enfants en 2025. Les heures de pratique augmentent. Les enseignants sont formés en continu.

Le football féminin est explicitement encouragé. La pratique vise aussi des bénéfices sanitaires et éducatifs. Il s’agit d’améliorer la condition physique générale et de diffuser une culture sportive durable.

Pourtant, la réalité sociale complique la mise en œuvre. La pression académique reste intense. Les loisirs sportifs peinent à concurrencer les exigences scolaires. Le football chinois se heurte à une hiérarchie des priorités profondément ancrée.

Une chaîne de formation inspirée de l’Europe

Le plan dessine une chaîne de talents continue. L’école mène au football social, puis au professionnalisme. Des académies hybrides, associant lycée ou université et formation sportive, voient le jour.

Les partenariats internationaux se multiplient. Des clubs européens sont sollicités pour transmettre leur savoir-faire. Des entraîneurs étrangers, notamment européens, sont recrutés massivement.

L’exemple le plus emblématique reste l’Evergrande International Football School. Située près de Guangzhou, elle accueille deux mille huit cents élèves. Elle dispose de cinquante terrains, d’infrastructures éducatives complètes et d’un partenariat avec le Real Madrid. Son coût atteint cent quatre-vingt-cinq millions de dollars.

Ce modèle incarne l’idéal du football chinois. Une formation industrialisée, structurée et adossée à des références internationales. Pourtant, son efficacité à long terme reste débattue.

Une équipe nationale toujours en attente de résultats

La sélection nationale fait l’objet d’une refonte complète. Les critères de sélection sont élargis. La concurrence entre clubs est encouragée. Deux nouveaux centres d’entraînement nationaux sont créés.

La recherche scientifique est intégrée au projet. Tactique, préparation physique, réhabilitation médicale et management sont étudiés de manière systémique. Les contrats des entraîneurs sont strictement encadrés.

Les objectifs sont ambitieux. Devenir la meilleure équipe d’Asie à moyen terme. Intégrer le top mondial à long terme. Pourtant, les résultats tardent. Les qualifications pour les Coupes du Monde 2018 et 2022 échouent. Le classement FIFA reste modeste.

Le décalage entre moyens engagés et performances sportives nourrit une frustration croissante.

Infrastructures, économie et soft power

Le plan prévoit un maillage territorial dense. Un terrain pour dix mille habitants devient la norme cible. Des terrains simplifiés sont encouragés pour réduire les coûts. Les infrastructures scolaires doivent être ouvertes au public hors temps scolaire.

Onze grands stades récents voient le jour, pouvant accueillir jusqu’à quatre-vingt mille spectateurs. Les partenariats public privé se multiplient. Des avantages fiscaux soutiennent l’investissement.

Sur le plan économique, l’objectif est colossal. Le football doit représenter un pour cent du PIB chinois d’ici 2050. Cela équivaut à environ six cents milliards de dollars en valeur courante. Droits télévisés, sponsoring et produits dérivés sont mobilisés.

La dimension géopolitique est assumée. Les investissements dans les clubs européens et les partenariats avec la FIFA offrent à la Chine une visibilité mondiale. Le football chinois devient un vecteur d’influence, autant qu’un marché.

Pourtant, les fragilités demeurent. Déficits massifs, clubs en difficulté et scandales persistants rappellent les limites d’une stratégie très centralisée.

Le football chinois avance, mais à son propre rythme. La promesse reste intacte. L’issue, elle, demeure incertaine. Le prochain chapitre s’écrira peut-être sur le terrain des grandes compétitions internationales.

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A propos Florent G 365 Articles
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