Le Maroc et le Soft Power s’imposent au cœur de la CAN 2025, bien au-delà d’un simple tournoi continental. Le Royaume transforme la Coupe d’Afrique des Nations en vitrine diplomatique, économique et symbolique, pensée comme un signal adressé à l’Afrique et au monde.
Le retour de la Coupe d’Afrique des Nations au Maroc n’est pas anodin. Trente-sept ans après 1988, le Royaume accueille à nouveau la compétition reine du continent. Du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026, vingt-quatre sélections se disputent cinquante-deux matchs dans neuf stades répartis entre Rabat, Casablanca, Fès, Tanger, Marrakech et Agadir. Pourtant, derrière le ballon, un projet beaucoup plus large se dessine.

La CAN 2025 s’inscrit dans une trajectoire politique assumée. Le Maroc utilise le football comme un levier d’influence. Chaque détail organisationnel vise à renforcer une image de fiabilité, de puissance douce et de leadership africain. Et ce n’est pas tout.
Une CAN pensée comme un projet d’État
La CAN 2025 dépasse largement le cadre sportif. Elle est conçue comme un acte politique structurant. Rabat veut prouver sa capacité à organiser des événements majeurs avant le rendez-vous mondial de 2030, coorganisé avec l’Espagne et le Portugal.
Cette logique s’appuie sur une narration maîtrisée. Le Maroc ne se présente pas comme un simple hôte. Il se positionne comme un centre de gravité du football africain. La compétition devient une démonstration de savoir faire organisationnel, mais aussi une affirmation diplomatique.
Pourtant, ce choix n’est pas sans enjeux internes. Le pays s’expose. Il concentre l’attention. Une réussite renforcerait sa crédibilité continentale. Un faux pas serait scruté. Cette pression explique l’ampleur des moyens engagés.
Des investissements massifs au service de l’image
Le Maroc a engagé près de 21 milliards de dirhams sur la dernière décennie pour préparer la CAN 2025. Ces investissements concernent d’abord les stades, mais pas uniquement. À l’échelle de la Coupe du Monde 2030, l’enveloppe globale atteindra 120 milliards d’euros, soit un volume équivalent au PIB annuel moyen du pays sur cinq ans.
Six stades ont bénéficié de mises à niveau conformes aux standards de la CAF. Le stade de Tanger affiche 75 000 places, tandis que Rabat accueillera l’ouverture et la finale. En parallèle, le futur stade Hassan II de Benslimane incarne une ambition démesurée avec ses 115 000 places prévues, pour un coût de 5 milliards de dirhams.
Mais attention, le soft power ne se limite pas aux enceintes sportives. Le Maroc a fait des transports un axe stratégique central. La ligne à grande vitesse entre Kénitra et Marrakech, financée à hauteur de 53 milliards de dirhams, s’inscrit dans un plan ferroviaire global de 400 milliards de dirhams à l’horizon 2040. L’objectif est clair. Relier 43 villes et couvrir 87 pour cent de la population.

Royal Air Maroc joue aussi un rôle clé. Partenaire global de la CAN, la compagnie prévoit de transporter au moins 500 000 supporters, générant environ 1,5 milliard de dirhams de recettes. Chaque trajet devient un vecteur d’image.
Retombées économiques et attractivité touristique
La CAN 2025 agit comme un accélérateur économique. Les projections annoncent entre 500 000 et un million de visiteurs étrangers supplémentaires. Les recherches de vols vers Rabat ont déjà progressé de 46 pour cent. Plus d’un million de billets ont été vendus, attirant des supporters venus d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Afrique.
Les retombées économiques sont estimées entre 4,5 et 12 milliards de dirhams. Hébergement, restauration, transports et services connexes profitent directement de l’événement. À titre de comparaison, la CAN 2019 en Égypte avait généré environ un milliard d’euros. En Côte d’Ivoire, chaque euro investi lors de la CAN 2023 a rapporté 1,5 euro à l’économie locale.

Le Maroc arrive avec un avantage structurel. En 2024, le pays a accueilli 17,4 millions de touristes, un record historique. La CAN 2025 s’inscrit dans cette dynamique. Les taux d’occupation hôtelière dépassent déjà les prévisions. Pourtant, l’enjeu principal reste l’après compétition. Transformer l’exposition médiatique en flux touristiques durables constitue le véritable test.
Une vitrine médiatique mondiale sans précédent
Le Maroc et le Soft Power trouvent leur expression la plus visible dans la couverture médiatique. La CAN 2025 sera diffusée dans 180 territoires. Plus de 3 800 médias sont accrédités. Mille demandes de droits de diffusion ont été enregistrées. Ces chiffres traduisent un changement d’échelle.
En Asie, le Japon diffuse pour la première fois un événement africain via DAZN. Pour la Chine, trois plateformes cumulent un potentiel de 500 millions de téléspectateurs. En Inde, Fancode touche 160 millions d’abonnés. En Amérique, ESPN, CBS Sports et Fox couvrent la compétition. Le Royaume Uni marque un tournant avec une diffusion en clair sur Channel 4.
En Afrique, soixante chaînes, dont quarante-neuf en clair, garantissent un accès massif. La BBC World Service et RFI assurent la couverture radiophonique. L’audience mondiale pourrait dépasser les 1,5 milliard de téléspectateurs atteints lors de la CAN 2023.
Le Maroc accompagne cette visibilité par des campagnes de marketing territorial dans plusieurs capitales européennes. L’objectif est limpide. Associer le pays à l’excellence organisationnelle et à l’hospitalité.

Diplomatie africaine et football comme levier d’influence
La CAN 2025 s’inscrit dans une trajectoire diplomatique plus large. Depuis son retour à l’Union Africaine en janvier 2017, après trente-deux ans d’absence, le Maroc a intensifié sa présence continentale. Le football est devenu un outil central de cette stratégie.
La Fédération Royale Marocaine de Football a signé quarante-cinq conventions avec des fédérations africaines depuis 2015. Ces partenariats incluent la formation d’entraîneurs, l’accueil de sélections, l’organisation de stages et l’aide à la construction d’infrastructures. Le Maroc se positionne ainsi comme un centre d’excellence du football africain.
Cette politique porte ses fruits. Le Royaume figure dans le top 50 du Global Soft Power Index et occupe la première place en Afrique du Nord. Cette reconnaissance repose sur une combinaison de diplomatie sportive, d’investissements économiques et de coopération sécuritaire.
Enjeux géopolitiques et leadership régional
Le Maroc ne cache plus ses ambitions régionales. Il est devenu le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest. Télécommunications, énergie, transports et finance structurent cette influence. L’Initiative Atlantique, lancée en 2023, renforce les liens avec les pays du Sahel en offrant un accès stratégique à l’océan Atlantique.
Cette dynamique redessine les équilibres maghrébins. L’Algérie voit son influence sahélienne contestée. Le Maroc s’impose par une diplomatie pragmatique et un dynamisme économique assumé.
Sur le plan sécuritaire, le Royaume joue un rôle clé. Coopération avec Interpol, création d’un centre de coopération policière africaine, déploiement de drones et de systèmes de vidéosurveillance renforcent son image de producteur de sécurité régionale.
La CAN 2025 comme répétition avant 2030
La CAN 2025 sert de test grandeur nature avant la Coupe du Monde 2030. Les autorités marocaines l’assument pleinement. Réussir cette compétition permet d’identifier les failles, d’ajuster les dispositifs et de gagner en crédibilité.
Le Maroc deviendra en 2030 le deuxième pays africain à accueillir une Coupe du Monde après l’Afrique du Sud. Cette perspective confère à la CAN une dimension symbolique forte. Le Royaume entend montrer qu’une organisation africaine peut répondre aux standards les plus élevés.
Symbolique, unité et pression sportive
La CAN 2025 véhicule aussi un message d’unité africaine. Le Maroc utilise l’événement comme une plateforme culturelle. Le football devient un langage commun, capable de rapprocher les peuples.
Sur le terrain, les Lions de l’Atlas arrivent avec un statut de favori. Classé onzième mondial et premier africain, le Maroc reste sur une série de dix-huit victoires consécutives. L’effectif de Walid Regragui impressionne. Yassine Bounou rassure dans les buts. Brahim Diaz apporte sa créativité. Achraf Hakimi, Ballon d’Or africain 2025, incarne l’excellence.
Pourtant, jouer à domicile crée une pression immense. Comme le rappellent Claude Le Roy et Hubert Velud, le Maroc semble presque condamné à gagner. Cette tension sportive ajoute une dimension dramatique au récit.
La CAN 2025 ne sera donc pas un simple tournoi. Elle représente une mise en scène stratégique où le sport, la diplomatie et l’économie s’entremêlent. Une répétition générale avant un rendez-vous mondial, mais aussi un message adressé à l’Afrique. Le prochain chapitre s’écrira en 2030, avec une Coupe du Monde attendue comme l’aboutissement de cette montée en puissance.
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