Association argentine de football sous pression maximale. Depuis début décembre 2025, l’institution qui dirige le football champion du monde affronte une tempête judiciaire historique. Raids simultanés, soupçons de blanchiment, flux financiers colossaux et implications politiques forment un dossier explosif.
Le football argentin pensait avoir tout vu. Pourtant, l’onde de choc déclenchée par l’enquête visant l’Association argentine de football dépasse les précédents scandales. Et ce n’est pas tout. Les ramifications touchent clubs, dirigeants, compétitions internationales et avenir sportif du pays.

Des perquisitions sans précédent dans l’histoire du football argentin
Les 9 et 10 décembre 2025 resteront comme une date noire pour la gouvernance du football sud américain. La police fédérale argentine a mené entre vingt cinq et trente trois perquisitions simultanées. Les locaux de l’Association argentine de football ont été visés. Entre dix sept et trente clubs professionnels ont également été concernés.
L’opération a été ordonnée par le juge fédéral Luis Armella. Jamais une institution sportive nationale n’avait subi une intervention judiciaire d’une telle ampleur. Les enquêteurs ont saisi documents comptables, supports numériques et contrats commerciaux. Le cœur du système financier du football argentin a été mis à nu.
Cette démonstration de force judiciaire n’est pas anodine. Elle marque une rupture. L’AFA, longtemps perçue comme intouchable, se retrouve exposée publiquement. Pourtant, le contexte dépasse le simple cadre sportif.
Sur Finanzas, société clé d’un système financier suspect
Au centre du dossier figure Sur Finanzas. Cette société financière, dirigée par Ariel Vallejo, est soupçonnée de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale massive. Proche du président de l’Association argentine de football, Claudio Tapia, Vallejo aurait utilisé le football comme levier économique.
Sur Finanzas a sponsorisé plusieurs clubs professionnels. Elle est aussi apparue comme partenaire officiel de la sélection nationale lors de la Copa América 2024. Une vitrine prestigieuse. Une crédibilité institutionnelle. Mais attention. Derrière cette façade se cache un mécanisme financier complexe.
En novembre 2025, l’administration fiscale argentine a déposé une plainte explosive. Les soupçons portent sur une évasion fiscale estimée à huit cent dix huit milliards de pesos. Environ cinq cent soixante millions de dollars. À cela s’ajoutent plus de deux millions de dollars d’impôts dissimulés depuis 2022.
Ces chiffres donnent le vertige. Ils expliquent l’ampleur des raids judiciaires. Ils interrogent surtout sur les liens contractuels entre la société financière et le football professionnel argentin.
Tapia, Toviggino, Nakis, le trio dans le viseur
Trois dirigeants majeurs de l’Association argentine de football concentrent désormais l’attention judiciaire. Claudio Tapia, président depuis 2017, est le principal suspect. Les accusations sont lourdes. Blanchiment d’argent. Malversations financières. Enrichissement illégal.
Selon les autorités, Tapia aurait utilisé des fonds sans justification patrimoniale claire. Le montant estimé atteint environ sept millions d’euros. À cela s’ajoutent des poursuites pour non paiement de cotisations sociales. Dix neuf milliards de pesos seraient concernés. Une somme qui fragilise encore davantage la position du dirigeant.
Pablo Toviggino, trésorier de l’AFA et bras droit de Tapia, est visé par les mêmes chefs d’accusation. Luciano Nakis, trésorier adjoint, figure également dans le dossier. Le sommet de la pyramide institutionnelle est donc directement exposé.
Pourtant, aucun jugement définitif n’a encore été rendu. La présomption d’innocence demeure. Mais l’image de l’Association argentine de football déjà profondément écornée.
Biens de luxe, villa cachée et véhicules saisis
Les perquisitions ont révélé des éléments matériels troublants. À Pilar, au nord de Buenos Aires, les enquêteurs ont découvert une propriété de plus de dix hectares. La villa dispose d’un héliport, d’installations équestres et d’une piste privée. Officiellement, elle appartient à des prête noms.
Les autorités soupçonnent pourtant Tapia et Toviggino d’en être les véritables bénéficiaires. La découverte alimente les soupçons d’enrichissement illicite. D’autant plus que plus de cinquante véhicules de luxe ont été saisis. Berlines haut de gamme, voitures de collection, motos puissantes et karts figuraient dans les garages.
Tous étaient enregistrés au nom d’une société écran appelée Real Central SRL. Une question brûle les lèvres. Comment un ancien salarié d’une entreprise de collecte de déchets a t il pu constituer un tel patrimoine ?
Clubs, droits TV et prêts financiers sous surveillance
L’enquête ne s’arrête pas aux dirigeants. Dix sept clubs font l’objet d’une levée du secret bancaire. Le juge Armella souhaite analyser les flux financiers en détail. Le mécanisme soupçonné repose sur des prêts accordés par Sur Finanzas.
En échange, certains clubs auraient cédé des droits de retransmission ou des avantages commerciaux. Racing, Independiente, San Lorenzo, Banfield et Barracas Central figurent parmi les entités concernées. Certains minimisent leur exposition. Racing affirme même être créancier de Sur Finanzas.
Barracas Central occupe une place particulière. Claudio Tapia a dirigé ce club pendant vingt ans. Son fils en est aujourd’hui le président. La progression rapide du club jusqu’à l’élite a déjà suscité des polémiques arbitrales. Cette affaire financière ajoute une couche de suspicion supplémentaire.
Un bras de fer politique avec le gouvernement Milei
Impossible d’isoler l’affaire de son contexte politique. L’Association argentine de football est en conflit ouvert avec le gouvernement de Javier Milei. Le président souhaite transformer les clubs en sociétés anonymes sportives. L’AFA défend le modèle associatif historique contrôlé par les socios.
Cette opposition idéologique nourrit les tensions. La sénatrice Patricia Bullrich a saisi la commission d’éthique de la CONMEBOL. Elle accuse Tapia et Toviggino de conflits d’intérêts et de manquements à l’intégrité. L’AFA dénonce de son côté une attaque coordonnée.
La fédération rappelle son bilan sportif. Deux Copa América. Une Coupe du monde. Une institution redressée financièrement. Elle insiste aussi sur un point clé. Aucun financement public ne soutient son fonctionnement. Pourtant, la justice poursuit son travail, indépendamment du débat politique.
Coupe du monde 2026, un scénario sous tension maximale
L’ombre la plus lourde plane sur l’avenir sportif. L’Argentine doit défendre son titre mondial en 2026. Les statuts de la FIFA interdisent toute ingérence politique dans une fédération nationale. Si le gouvernement intervenait directement dans la gouvernance de l’AFA, des sanctions pourraient tomber.
L’exclusion reste improbable. Les enjeux économiques sont immenses. L’absence de Lionel Messi serait un séisme commercial. Pourtant, le simple doute fragilise la position argentine. La Finalissima prévue en mars 2026 face à l’Espagne est déjà menacée.
Ironie du calendrier, Claudio Tapia a été nommé en octobre 2025 à la tête du comité des lois du jeu de la FIFA. En décembre, il était présent à Doha aux côtés de Gianni Infantino. Un signal institutionnel fort, alors même que la tempête judiciaire fait rage à Buenos Aires.
Une affaire tentaculaire aux zones d’ombre persistantes
De nombreuses questions restent ouvertes. La chronologie précise des relations entre Tapia et Vallejo demeure floue. Le rôle exact de chaque club pas établi. Le montant total des fonds détournés reste à confirmer. L’enquête progresse, mais les certitudes manquent encore.
Ce dossier dépasse le cadre d’un simple scandale financier. Il interroge la gouvernance du football, la transparence économique et l’indépendance institutionnelle. L’Association argentine de football joue une partie décisive, sur le terrain judiciaire cette fois.
La suite s’annonce déterminante, alors que le football sud américain observe, inquiet, les prochaines décisions de la justice fédérale.
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