Billetterie football : Le football brésilien bascule dans une nouvelle ère avec la reconnaissance faciale obligatoire pour accéder aux grands stades.

Depuis janvier 2025, chaque supporter doit montrer son visage, et non plus un billet, pour franchir les tourniquets. Cette décision, dictée par la loi, bouleverse à la fois l’expérience des fans et le modèle économique du sport au Brésil.
Une obligation qui change tout
L’article 148 de la Loi Générale du Sport a servi de déclencheur. Adoptée en 2023, cette législation a fixé une échéance claire : juin 2025. Tous les stades de plus de 20 000 places devaient être équipés de portiques biométriques. Finalement, l’entrée en vigueur a été accélérée dès janvier 2025. Résultat, plus de billet papier ni QR code. L’identité, c’est le visage. Et cette règle s’applique sans exception aux supporters brésiliens comme aux étrangers. Mais attention, le parcours pour s’enregistrer reste long et parfois frustrant.
Un enregistrement fastidieux
Avant d’entrer dans un stade, chaque spectateur doit créer un profil biométrique. Le processus impose plusieurs étapes : informations personnelles, selfie précis, photographie du passeport, puis validation technique. L’opération peut sembler simple sur le papier, mais la réalité est différente. Certains supporters étrangers témoignent de difficultés, entre luminosité insuffisante, validation refusée et cartes bancaires non reconnues. Pour certains, l’inscription a pris une demi-heure complète. Une contrainte lourde qui pourrait refroidir plus d’un visiteur.
Le Maracana en vitrine
Le mythique stade Maracana de Rio de Janeiro a ouvert la voie. Les supporters de Flamengo et Fluminense franchissent désormais les tourniquets uniquement grâce à leur visage. Pas de document à présenter. L’image faciale, enregistrée au préalable, déclenche automatiquement l’accès. Le symbole est fort : le temple du football brésilien devient la vitrine mondiale d’un système appelé à s’étendre. D’autres enceintes ont suivi, comme le Beira-Rio de Porto Alegre, l’Arena Castelão de Fortaleza ou encore São Januário, antre du Vasco da Gama.
Imply®, la machine derrière le projet
Derrière cette transformation se cache une entreprise brésilienne : Imply®. Son système ElevenTickets équipe la majorité des stades concernés. Les performances annoncées sont impressionnantes : 99,9 % de précision, identification en moins d’une seconde et détection de fraude grâce à l’intelligence artificielle. La machine est capable de faire passer 60 personnes par minute. Autrement dit, les embouteillages à l’entrée devraient devenir de l’histoire ancienne.
Palmeiras, le pionnier
Le club de Palmeiras à São Paulo est allé encore plus loin. Il revendique être le premier au monde à appliquer la reconnaissance faciale à 100 % des accès les jours de match. Objectif : casser le marché noir. Le club s’est heurté pendant des années à la revente illégale de billets. Grâce au nouveau système, chaque place est désormais liée à un visage unique. Résultat immédiat : une explosion du nombre d’adhésions au programme de supporters Avanti, qui a dépassé les 200 000 membres actifs.
Les avantages affichés
La reconnaissance faciale ne se limite pas à la lutte contre la fraude. Elle permet aussi d’identifier rapidement les personnes interdites de stade, réduit considérablement les files d’attente et supprime le papier. Le gain est triple : sécurité, rapidité et durabilité. En théorie, l’expérience spectateur s’en trouve améliorée. Les clubs y trouvent également leur compte en verrouillant la billetterie. Mais derrière cette façade séduisante, les critiques s’élèvent.
Des zones d’ombre
Le processus reste difficile pour les visiteurs étrangers, confrontés à des soucis techniques récurrents. Pire encore, une étude récente pointe des violations concernant les mineurs. Les enfants de moins de 16 ans doivent aussi se soumettre au même processus, ce qui contrevient au Statut de l’Enfant et de l’Adolescent. Le risque d’utilisation abusive des données, notamment pour alimenter des bases d’intelligence artificielle, inquiète certains experts. Raquel Sousa, chercheuse, alerte : “Le danger, c’est la fuite et l’usage détourné de ces informations sensibles.”
Le marché noir s’adapte
Croire que la biométrie allait tuer le marché parallèle était illusoire. Les revendeurs n’ont pas disparu, ils se sont adaptés. Désormais, certains proposent directement leur aide pour créer des profils biométriques et revendent l’accès sous forme de vouchers numériques. Une preuve que même la technologie la plus performante a ses limites face à l’ingéniosité du marché noir.
Un modèle qui intrigue à l’étranger
Le projet attire les regards bien au-delà du Brésil. John Textor, propriétaire de Botafogo et de l’Olympique Lyonnais, utilise déjà la reconnaissance faciale au Brésil et souhaite l’introduire en France. Mais l’idée ne fait pas l’unanimité. Les groupes de supporters, notamment à Lyon, s’y opposent fermement, pointant les dangers pour la vie privée. Aux États-Unis, certains clubs comme les Cleveland Browns ont déjà tenté l’expérience, avec des milliers d’abonnés enregistrés. Le Brésil devient malgré lui un laboratoire grandeur nature.

Une tendance mondiale en marche
Si la technologie brésilienne attire autant, c’est qu’elle pose les bases de ce que pourrait devenir la billetterie du futur. Les stades cherchent des solutions pour réduire les fraudes, améliorer la sécurité et fluidifier les entrées. Le Brésil, en imposant ce système par la loi, a pris une longueur d’avance. Mais la question demeure : cette avancée sera-t-elle adoptée à l’échelle mondiale ou freinée par les résistances culturelles et juridiques ?
Et maintenant ?
Le football brésilien vit une mutation qui suscite autant d’admiration que de débats. Les partisans saluent un pas décisif pour sécuriser les stades et moderniser l’accès. Les détracteurs dénoncent une surveillance excessive et des failles potentielles. Le visage comme billet unique, une idée qui divise mais qui ne laisse personne indifférent. La prochaine étape pourrait bien être l’exportation de ce modèle vers l’Europe, où la bataille entre technologie et tradition ne fait que commencer.
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