De plus en plus indispensable dans l’univers du football moderne, le métier de data collector reste pourtant méconnu du grand public. Jean-François, passionné de sport et enseignant de profession, nous plonge dans son quotidien de collecteur de données pour le compte de clubs professionnels. De sa découverte du métier à son organisation minutieuse les jours de match, il nous raconte avec précision un rôle clé pour les analyses statistiques et les retransmissions en direct.
La découverte du métier de data collector
Bonjour , je m’appelle Jean-François et je suis data collector depuis 3 ans maintenant. J’ai commencé cette aventure au mois de mai 2022.
En parcourant Facebook, j’ai vu une publicité qui cherchait des data collector. Je ne savais même pas ce que représentait ce métier. La publicité montrait un ordinateur sur un stade de foot. J’ai cliqué sur le lien publicitaire et voilà le début de l’aventure. Il cherchait des data collector pour la ville allemande voisine de mon lieu d’habitation : Forbach en Moselle. En cliquant sur la publicité, j’ai du donner quelques informations sur ma personne.
Aimez vous le football ?
Êtes vous libre les week-ends ?
Savez vous parler allemand et anglais ?
Je reçois un rdv skype pour passer un entretien en anglais et hop deux semaines plus tard, l’aventure débute.
Les démarches administratives avant de débuter
Je signe un contrat avec la société qui m’emploie et je crée mon auto-entreprise afin de commencer mon second emploi de freelance en adéquation avec mon premier emploi de professeur des écoles.
Dans ce contrat, je m’engage à ne plus faire de paris sportifs concernant le football car il pourrait y avoir des conflits d’intérêts vu que je serai amené à côtoyer des sportifs, des entraîneurs, des directeurs sportifs …
Je signe également une clause de confidentialité sur la société qui m’emploie et une charte anti-corruption où je m’engage à un devoir éthique sur mon travail pour ne pas falsifier les données rentrées. Effectivement , les données rentrées via l’application permettent aux spectateurs de suivre en direct les rentrées du match. Vu le développement des paris sportifs dans tous les domaines du football , le nombre de touches, de corner , le but marqué dans le premier quart d’heure etc…. j’ai le devoir d’entrer les données avec le plus de justesse possible. En effet , ma tablette enregistre les audios à chaque ouverture de l’application. Toutes les discussions sont enregistrées et peuvent être analysées au besoin.
Data collector : la formation avant les premières collectes
Une fois, les papiers administratifs signés et envoyés, je reçois une tablette tactile afin de suivre ma formation. Avant de pouvoir effectuer ma première collecte de data, je suis une formation sur internet en anglais liée à tout le vocabulaire footballistique concernant les règles et l’utilisation de l’application via la tablette. J’étudie les 12 thèmes présents et je passe les questionnaires à choix multiples liés à chaque thème.
Une fois tout terminé, je reçois un match à analyser. En effet, j’utilise la tablette et je m’entraîne à rentrer les données sur un match déjà joué. Je reçois mon score et ma note ainsi qu’une correction détaillée sur les données importantes à rentrer au cours de la rencontre.
La préparation avant un match
Connexion au planning des matchs joués aux alentours de chez moi.
Disponibilité le jour de la rencontre
Validation de ma couverture du match 2 semaines avant la rencontre officielle avec le service planning de la société.
3 jours avant le match officiel .
Réception du pdf m’indiquant les horaires d’ouverture du stade .
Les consignes de sécurité .
L’emplacement des différentes lieux stratégiques dans le stade.
La veille du match : inscription dans un groupe Telegram avec mon superviseur qui m’aidera en cas de besoin.
Data collector : Le déroulement d’une journée de match
Le jour J : départ pour le stade 3 heures avant le début de la rencontre pour éviter les problèmes de circulation et arrivée au stade 2h30 avant.
Arrivée au stade au guichet presse
Présentation de ma carte de presse pour récupérer le ticket de parking et l’accréditation de travail.
Cette accréditation m’autorise à me déplacer dans le stade.
Arrivée au parking , contrôle de sécurité , présentation de l’accréditation
Photographie de ma bonne présence au stade envoyée à mon superviseur 1h30 avant le début de la rencontre.
Arrivée en salle de presse. Sandwichs, boissons et café offerts par le club à toute la presse (photographes, cameramans, journalistes sportifs…).
Connexion au logiciel de ma tablette tactile via la connexion internet du stade.
Je rentre les premières données concernant les conditions de jeu : conditions atmosphériques, vent, pluie, température, état de la pelouse.
Mon signal GPS prouve à mon superviseur que je suis bien au stade.
La collecte des données pendant le match
1 heure avant le début de la rencontre, j’envoie une photo de la feuille de match des équipes. Inscription des joueurs titulaires et remplaçants des deux équipes et couleur des maillots de chaque équipe. Je consulte les maillots à domicile et à l’extérieur des équipes ainsi que les postes des différents acteurs via internet.
30 minutes avant le coup d’envoi : arrivée des joueurs pour l’échauffement individuel et collectif du groupe. Choix du côté du terrain pour le début de la rencontre.
3 minutes avant le coup d’envoi , arrivée des joueurs sur le pré.
Les arbitres procèdent au tirage au sort avec les deux capitaines et les arbitres de touche vérifient l’état des filets de chaque but.
Je me prépare à rentrer les données dès le coup de sifflet d’envoi de la partie. Je vérifie que mon horloge coïncide bien avec le timing du tableau d’affichage du stade. J’informe mon superviseur que le timing est bon.
J’entre les données du match avec la possession de balle de chaque équipe. Toutes les 10 secondes , je dois rentrer une donnée sur la tablette. Les données sont très diverses entre les coups francs, les touches, les shoots, les corners , les remplacements, les cartons jaunes, rouges , les buts :3 secondes maximum pour valider l’action sur la tablette avec le nom du buteur.
Si j’ai un doute sur une donnée, je peux appeler mon superviseur qui me validera la donnée via son écran de télévision.
L’importance de la précision et de la réactivité
Le tableau d’affichage du stade est très important pour les data collector car c’est lui qui permet de valider les données. Toutes données entrées peuvent être à chaque moment effacées ou réinitialisées.
A la fin de la première mi-temps, j’entre le temps additionnel donné par le 4ème arbitre et je fais une photo du tableau de bord pour valider le score à mon superviseur.
La mi-temps de 15 minutes me permet de me dégourdir les jambes et de vérifier que les données soient bien transmises. Je surveille constamment ma bonne connexion internet.
Je reste attentif à la rentrée des joueurs à la seconde mi-temps pour voir s’il y a eu des changements de joueurs.
Départ de la 2ème mi-temps, je reste concentré pour débuter les données et je vérifie toujours l’horloge du tableau d’affichage pour qu’elle corresponde à celle de ma tablette.
Une fois les données de la 2ème mi-temps insérées, je photographie à nouveau le tableau de bord pour valider le score final de la rencontre et j’attends 10 minutes afin que toutes les données soient transmises.
Après-match et suivi des performances
Je file à la salle de presse pour suivre la conférence d’après match des deux entraîneurs et de la chargée de presse du club recevant la rencontre.
Compte rendu de rencontre et salaire
3 jours après , je reçois mon compte rendu de rencontre pour voir si toutes les données ont bien été insérées dans le logiciel. Un oubli ou un dépassement de temps d’une donnée peut engendrer une baisse de mon indemnisation de match.
Pour chaque match effectué , je perçois un salaire de 74€ et 0,25€ du kilomètre parcouru. En un mois, je peux suivre deux matchs de championnat de ligue 3 allemande car je suis affecté aux rencontres du FC Sarrebruck vu que j’y vis à proximité. Dans les meilleurs mois, je peux effectuer six matchs au maximum avec la coupe d’Allemagne en allant couvrir des matchs dans la région voisine.
A chaque match, je reçois une note sur 100 donné par le département data analyse. La note de 100 correspond à un match parfait. Toutes les données rentrées sont justes et le délai de 3 secondes a été respecté.
Si je dépasse le délai de 3 secondes, je perds 10 points à chaque donnée rentrée.
Si j’oublie de rentrer un carton jaune ou un remplacement avec le mauvais joueur, je suis également pénalisé de 20 points à chaque erreur. Au final, si mon score est trop mauvais, je perçois une retenue sur mon salaire allant de 20 à 50%. En contre partie, si j’effectue 5 matchs parfaits consécutifs , j’obtiens un bonus de 50€.
Le data collector doit donc toujours être attentif aux événements qui se déroulent sur la pelouse. Il assiste au match depuis les tribunes avec l’ambiance d’un spectateur mais son attention et sa concentration seront toujours mobilisées pour bien rentrer les data du match. Il profite pleinement de l’ambiance dans le stade et assiste à de véritables chorégraphies et tifo réalisés pour certaines occasions.
Bilan
À travers le témoignage de Jean-François, on comprend que devenir data collector demande rigueur, passion et un sens aiguisé du détail. Invisible pour les supporters, ce métier est devenu essentiel dans un football où chaque donnée compte. En suivant ces professionnels de l’ombre, c’est tout un pan de l’évolution technologique du sport que l’on découvre.
Merci à Jean François pour son témoignage et son expertise.
Voir aussi notre article sur : Pierre Vespignani, kinésithérapeute à l’Olympique de Marseille
