Enlèvement de Michel Hidalgo : quand le destin des Bleus a failli basculer

Temps de lecture : 4 minutes.

Le 23 mai 1978, Michel Hidalgo échappe à une tentative d’enlèvement rocambolesque. La veille du départ des Bleus pour le Mondial, la France du football retient son souffle.

À la veille d’un départ historique, un drame inattendu frappe le football français. Le 23 mai 1978, Michel Hidalgo, sélectionneur des Bleus, échappe de justesse à une tentative d’enlèvement. Alors que l’équipe de France s’apprête à retrouver la Coupe du monde après douze ans d’absence, cet épisode aurait pu bouleverser l’histoire. Entre agresseurs armés, climat politique explosif et conséquences sportives, ce fait divers reste l’un des plus marquants de la mémoire des Bleus.

L’attaque sur une route tranquille

Ce mardi matin, Hidalgo et son épouse Monique quittent leur domicile de Saint-Savin-de-Blaye pour rejoindre la gare de Bordeaux. Ils doivent prendre le train de 11h47 direction Paris, avant le grand départ des Bleus en Concorde pour Buenos Aires. Mais à Cézac, au lieu-dit « Les Coureaux », leur route croise celle d’une Citroën GS blanche. La voiture percute légèrement l’arrière du véhicule d’Hidalgo. Trois hommes surgissent, dont l’un armé d’un revolver calibre .38. Le sélectionneur raconte avoir vu des silhouettes barbus, des gestes brusques et surtout une arme pointée dans son dos. On l’oblige à descendre et à marcher vers un petit bois voisin. Monique, terrorisée, est retenue dans la voiture par un complice. La scène ressemble à un film noir. Mais ici, ce n’est pas du cinéma, c’est la réalité d’un entraîneur de football en pleine mission nationale.

Le sang-froid de Michel Hidalgo

Face à l’inattendu, Hidalgo garde une lucidité surprenante. Il tente de dialoguer avec ses ravisseurs. « Dites-moi ce que vous voulez ? », lance-t-il. Réponse glaciale : « On va faire un tour dans le bois ». Alors qu’il se sent condamné, le destin lui offre une ouverture. Une 2CV bleue passe sur la route, attirant l’attention de l’agresseur. En une fraction de seconde, Hidalgo réagit. Il se retourne, saisit le canon du revolver et le fait tomber. L’arme est à terre, l’agresseur s’enfuit. Hidalgo s’empare du pistolet, mais découvre plus tard qu’il n’était même pas chargé. Peu importe. Son geste a suffi pour sauver sa vie et celle de sa femme. L’ancien joueur de Monaco prouve que derrière le visage d’un technicien calme se cache une force insoupçonnée. Et ce n’est pas tout : il refuse de s’attribuer un quelconque mérite, parlant simplement de chance et d’instinct.

Un climat politique lourd

L’affaire dépasse rapidement le simple cadre du sport. L’Argentine vit alors sous la dictature du général Jorge Rafael Videla, arrivée au pouvoir en 1976. Le Mondial 1978, attribué avant le coup d’État, devient une vitrine pour un régime sanglant, responsable de milliers de disparus. Dans ce contexte, la participation des Bleus fait débat. Certains militent pour un boycott. Un comité se crée en France, des intellectuels dénoncent la complicité des nations participantes. Même Johan Cruyff, star néerlandaise, refuse de jouer ce Mondial, officiellement pour raisons personnelles mais avec un message politique clair. L’enlèvement d’Hidalgo prend donc une dimension symbolique. Très vite, un groupe anonyme revendique l’attaque auprès de l’AFP, dénonçant les ventes d’armes françaises à l’Argentine. Le communiqué parle de « charniers de Videla » et accuse la France de fermer les yeux. Le football devient une arme médiatique, malgré lui.

Une enquête sans réponse

Les ravisseurs, eux, ne seront jamais identifiés. Ils affirment avoir préparé leur coup pendant deux mois. Mais l’enquête menée en Gironde n’aboutit pas. Hidalgo, choqué, pense à démissionner. Il craint pour la sécurité de sa famille, mais aussi pour l’avenir des Bleus. Pourtant, après réflexion, il renonce à quitter son poste. Escorté par la police, il embarque le lendemain avec son équipe. Monique, initialement prévue pour rester, décide finalement de l’accompagner en Argentine. Cette décision, lourde de courage, témoigne de la solidarité du couple. Les Bleus partent donc en Concorde, direction Buenos Aires. Le Mondial peut commencer, mais les esprits restent marqués par cette tentative d’enlèvement.

Une Coupe du monde compliquée

Sur le terrain, les Bleus ne feront pas long feu. Placés dans un groupe relevé avec l’Italie, l’Argentine et la Hongrie, ils ne dépassent pas le premier tour. Le climat est pesant. Entre tensions sur les primes, problèmes d’équipements et matchs tendus, la mission est impossible. Le symbole le plus marquant restera ce match joué en maillot vert face à la Hongrie, faute d’accord sur les couleurs officielles. Sportivement, l’échec est cuisant. Mais humainement, cette expérience posera les bases d’une équipe en construction. Platini, Rocheteau, Bossis et consorts apprendront de cette désillusion. Quatre ans plus tard, en Espagne, les Bleus atteindront la demi-finale. Et en 1984, ils offriront à la France son premier titre international avec l’Euro à domicile. L’épisode argentin, sombre et douloureux, aura finalement forgé le caractère de cette génération.

Un héritage fort

L’enlèvement de Michel Hidalgo reste gravé comme un fait divers unique dans le football français. Il rappelle que le sport n’est jamais coupé du monde qui l’entoure. Les stades, les compétitions, les titres, tout cela vit aussi au rythme des soubresauts politiques. Hidalgo, lui, restera dans l’histoire comme un sélectionneur courageux, un homme qui a su transformer les épreuves en tremplins. Sa disparition en 2020 a réveillé le souvenir de ce jour de mai 1978, où tout aurait pu basculer. En échappant à ses agresseurs, il a offert au football français une chance d’écrire la suite de son histoire

Abonnez-vous à TopicFoot
Entrez votre Mail pour recevoir nos derniers articles.
icon

Voir aussi notre article sur :