Football amateur : « On ne peut pas développer des clubs de 1000 licenciés avec deux terrains »

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Face à la crise silencieuse qui touche les clubs de football amateur, Franck Massardier, PDG du groupe Madewis, dresse un constat alarmant. Manque d’infrastructures, pénurie d’éducateurs, violences et pressions… Il appelle à une prise de conscience collective pour sauver le sport de base.

Dans un contexte où les projecteurs sont braqués sur le football professionnel, le monde amateur traverse une crise profonde, souvent ignorée. Raphaël, journaliste pour Topicfoot, a rencontré Franck Massardier, président du groupe Madewis, un acteur engagé aux côtés des clubs amateurs. Au fil de l’entretien, le dirigeant alerte sur les nombreux défis rencontrés par les structures locales et propose des pistes de réflexion concrètes.

On ne peut pas continuer avec deux terrains pour 1000 licenciés

Raphaël : Et justement, face au manque d’éducateurs et aux problèmes d’infrastructures, est-ce que vous pouvez concrètement faire quelque chose ?

Franck Massardier : Sur les éducateurs, oui, on peut accompagner les clubs avec des outils, des services. Mais sur les infrastructures… c’est un problème plus complexe. On n’a pas encore les leviers, mais on y réfléchit. Parce qu’on ne peut pas continuer à développer des clubs de 1000 licenciés avec deux terrains seulement. Il faut une prise de conscience collective.

football amateur : Des solutions concrètes grâce à Madewis

Raphaël : Quelles solutions pourrait-on envisager pour aider concrètement le football amateur ?

Franck Massardier : Déjà, avec Madewis 2.0, on leur apporte une logistique et une souplesse financière énormes. Ils n’ont plus de stock à gérer, donc un gain financier immédiat. Certains clubs m’ont dit avoir économisé entre 40 000 et 50 000 €. Ce n’est pas rien, surtout dans leur situation. On travaille aussi avec des entreprises pour créer de nouvelles sources de revenus pour les clubs, parce que sans argent, on ne fait rien.

Pour les éducateurs, il faut multiplier les formations, améliorer la qualité. Mais encore une fois, ça demande des moyens. Les instances et l’État doivent en prendre conscience. Et ce que je dis pour le foot, c’est valable pour tous les sports : handball, rugby, basket, volley… Le sport est un pilier pour l’épanouissement des enfants. C’est vital. J’en vois tous les jours : certains éducateurs sont presque comme des deuxièmes pères pour les jeunes. C’est essentiel de soutenir les associations sportives.

Réhabiliter les vraies valeurs du football

Raphaël : Pourtant, on observe de plus en plus de violences sur les terrains, notamment envers les arbitres. Comment peut-on faire évoluer les mentalités ?

Franck Massardier : C’est une discussion que j’ai souvent avec les présidents. Je ne fais pas de politique, mais il faut reconnaître que le contexte social est tendu. Beaucoup de familles sont en difficulté, et le football représente parfois une forme d’échappatoire. Ça crée de la pression.

Il faut recentrer le foot sur ses vraies valeurs : le plaisir de jouer. C’est ce qu’on essaie de faire avec les événements Madewis Cup et Madewis League. Les enfants veulent juste jouer, se faire des copains. Et ces copains, parfois, deviennent des amis pour la vie. L’école joue un rôle, bien sûr, mais le sport aussi. C’est un vecteur d’éducation, de communauté, de convivialité. Les associations sont précieuses pour ça. Le problème, c’est que beaucoup de parents veulent que leur enfant devienne le prochain Mbappé ou Zidane… Mais il n’y en a pas beaucoup, des Mbappé. Cette pression est nocive. À la base, l’enfant veut juste s’amuser.

Franck Massardier PDG du groupe Madewis

Présidents de clubs : la passion face à l’épuisement

Raphaël : Tu échanges régulièrement avec les présidents de clubs. Quelles sont leurs principales inquiétudes ?

Franck Massardier : Hier encore, j’ai parlé à quatre présidents, dans différentes régions. Tous m’ont dit qu’ils subissaient des baisses de subventions : 10 000 €, parfois plus. C’est leur quotidien. Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Et bien sûr, les infrastructures. On ne mesure pas à quel point les présidents et bénévoles se battent pour maintenir les clubs à flot. Ce sont des gens passionnés, mais on ne peut pas reposer uniquement sur la passion. À un moment, ils jettent l’éponge. Et quand un club ferme, ce n’est bon pour personne — ni pour les enfants, ni pour les familles, ni pour la commune. Mieux vaut que les jeunes fassent du sport que traînent dans la rue.

Les éducateurs bénévoles méritent plus que des applaudissements

Raphaël :
Un mot pour les jeunes éducateurs bénévoles qui font vivre le football amateur ?

Franck Massardier :
C’est difficile pour eux. Il y a une forte pression des parents, qui veulent que leurs enfants deviennent pros. Ça met une charge énorme sur les éducateurs, qui doivent aussi gérer les sélections, les mécontentements…
Il faut avoir la foi. Ce qu’ils font est magnifique. Comme les présidents et les membres des bureaux. Heureusement qu’ils sont là. Il faut les soutenir, leur proposer des formations plus poussées, en lien avec les clubs pros, les ligues, les districts.
Ils vivent leur passion, mais ils ont besoin de soutien.

Les associations sportives font vivre le pays

Franck Massardier :
On a besoin des associations sportives, dans tous les sports. Ce sont elles qui font vivre le pays, qui font rêver les enfants. Sans elles, ce serait le chaos.
Les entreprises doivent les soutenir. Il existe des mécanismes de mécénat avec des avantages fiscaux. L’État accompagne ces démarches.
Soutenir une association, ce n’est pas grand-chose pour certaines entreprises, mais c’est énorme pour les clubs.
Et si on veut revivre des moments de rêve et d’émotion comme les JO en France cette année, ça passe par les associations.

Soutenir les clubs, c’est investir dans la jeunesse

L’interview de Franck Massardier met en lumière les failles structurelles qui menacent l’avenir du football amateur. Derrière chaque club, il y a des éducateurs dévoués, des présidents épuisés, des enfants passionnés. Mais sans moyens, sans infrastructures adaptées, sans soutien des institutions, cet écosystème s’effondre peu à peu. À travers le Groupe Madewis, Massardier agit à son échelle, mais il appelle surtout à une mobilisation collective. Le football amateur n’est pas un loisir secondaire : c’est un pilier social, éducatif et humain qu’il est urgent de préserver.

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