Rebondir après le football : l’accompagnement inégal des clubs

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Quand la lumière s’éteint, que reste-t-il ? Derrière les carrières de footballeurs, trop souvent, un vide abyssal.

Rebondir après le football : l’accompagnement inégal des clubs

Patrice Evra Crédits SPORTSFILE

Ils ont brillé sur les terrains, soulevé des trophées, fait rêver des milliers de supporters. Et puis, un jour, tout s’arrête. Fin de contrat, blessure, dépression, silence. Le football est un sport de haut niveau mais aussi un métier à durée limitée. Rebondir après cette vie intense est un défi colossal. Pourtant, tous les clubs n’accompagnent pas leurs anciens. Un vide sidérant, parfois douloureux, parfois destructeur.

Une fin de carrière rarement anticipée

Le football professionnel est un monde à part. Jeunes millionnaires, adulation médiatique, pression quotidienne. Mais derrière les projecteurs, une vérité s’impose : la carrière est courte. En moyenne, elle dure huit ans. Pour certains, moins. Blessure grave, absence de contrat, baisse de niveau, les fins sont souvent brutales. Trop de joueurs se retrouvent livrés à eux-mêmes. L’arrêt est soudain, parfois humiliant. Et dans l’urgence, les repères s’effondrent. Peu sont préparés à la reconversion. Rares sont ceux qui ont un diplôme ou une expérience hors du football. Les blessures invisibles s’installent : isolement, anxiété, perte de sens. Le choc est immense, souvent tabou.

Des clubs inégaux face à la reconversion

Tous les clubs ne réagissent pas de la même manière. Certains ont compris l’importance d’un accompagnement global. D’autres préfèrent tourner la page. Le Benfica Campus, par exemple, met en place un suivi éducatif et psychologique dès le plus jeune âge. Le développement personnel est central dans leur formation. Le projet va au-delà du terrain. Le joueur est considéré comme un individu à part entière. À Seixal, on forme aussi des citoyens, des professionnels, des hommes. Mais cette vision reste l’exception. Dans de nombreux clubs, l’humain passe après le rendement. Tant que le joueur est performant, il est valorisé. Quand il ne l’est plus, il disparaît. Les structures d’aide à la reconversion sont rares, souvent peu développées. Les budgets sont concentrés sur la performance immédiate. Le post-carrière est encore trop souvent considéré comme une affaire individuelle.

L’importance des syndicats et des associations

Face à ce vide, certaines structures prennent le relais. Le syndicat mondial FIFPRO alerte régulièrement sur les risques psychologiques liés à la fin de carrière. En France, l’UNFP multiplie les actions. Formations, bilans de compétences, stages d’observation, aides au financement, accompagnement psychologique. Des initiatives salutaires mais insuffisantes face à l’ampleur du problème. Trop de joueurs n’osent pas demander de l’aide. La fierté, la honte, le regard des autres freinent les démarches. Il faut casser les tabous. Faire comprendre que demander du soutien n’est pas un échec. Les témoignages d’anciens pros ayant sombré, parfois jusqu’au suicide, rappellent l’urgence de la question. Le football doit cesser de broyer ceux qu’il a glorifiés.

Des exemples inspirants… et des échecs cuisants

Certains clubs commencent à agir. L’Ajax propose à ses anciens une reconversion au sein du club. Arsenal maintient un contact permanent avec ses ex-joueurs. En Allemagne, de nombreux clubs de Bundesliga intègrent un conseiller en transition de carrière. Ces modèles montrent qu’il est possible d’accompagner autrement. À l’inverse, d’anciens joueurs de Ligue 1 témoignent d’un silence glacial de leurs clubs à la fin de leur parcours. Aucun appel, aucun soutien, aucun suivi. L’abandon est total. Certains se reconvertissent dans l’immobilier, d’autres deviennent coachs, quelques-uns retournent aux études. Mais beaucoup errent, sans but ni ressource. Le système reste brutal et déséquilibré.

Le poids psychologique du vide

Quand le dernier match est joué, un gouffre s’ouvre. Le rythme s’effondre. Le téléphone ne sonne plus. Le corps se relâche. L’identité vacille. Qui suis-je sans le football ? Cette question, des centaines de joueurs se la posent chaque année. Et trop peu trouvent une réponse. L’anxiété, la dépression, parfois les addictions prennent le relais. Certains parlent de cette période comme d’un deuil. Un deuil sans cérémonie, sans accompagnement. Les clubs devraient être en première ligne. Ils ont façonné ces hommes. Ils devraient assumer une forme de responsabilité sociale. Le football ne peut plus se contenter d’un modèle jetable.

Construire une transition structurée

Il existe des pistes concrètes. Dès la formation, intégrer des modules de gestion de carrière. Valoriser les études, encourager les stages, soutenir les doubles projets. Offrir des passerelles internes : scouting, communication, encadrement, préparation mentale. La reconversion ne doit pas être un pis-aller, mais une continuité logique. À Benfica, cette vision est déjà à l’œuvre. L’encadrement pousse les jeunes à envisager l’après. Le club sait que tous ne deviendront pas professionnels. L’objectif est d’en faire des adultes solides. Cette philosophie doit inspirer. Tous les clubs devraient suivre cette voie. Il en va de la santé mentale et sociale de milliers de footballeurs.

Ludovic Giuly

Des voix qui se lèvent

De plus en plus d’anciens joueurs parlent. Ils racontent leurs chutes, leurs détresses, mais aussi leurs renaissances. Patrice Évra, Ludovic Giuly, Éric Abidal ou encore Marvin Martin ont évoqué publiquement leurs doutes après la fin. Leurs récits libèrent la parole. Ils poussent les clubs à réfléchir. Car ces histoires sont nombreuses, mais trop souvent tues. Il faut des modèles. Des exemples de reconversions réussies. Pas pour glorifier, mais pour montrer que c’est possible. La fin d’une carrière n’est pas la fin d’une vie.

Une responsabilité collective

La formation moderne ne peut plus ignorer la transition. Clubs, fédérations, syndicats, agents, tous doivent prendre part à ce chantier. Le football doit former des hommes pour demain. Pas seulement des joueurs pour aujourd’hui. L’illusion de l’éternelle jeunesse ne tient pas. À 30 ans, il faut déjà penser à l’après. C’est une question d’éthique, mais aussi de santé publique. Ignorer la reconversion, c’est prendre le risque de multiplier les drames silencieux. Le football est un sport d’émotions. Il doit aussi être un milieu d’empathie.

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